Sixième histoire: Quand Priscilla va à la conquête de son territoire
Je décroche mon téléphone, je compose son numéro: c'est l'heure de notre coaching.
Je ne sais jamais à quoi m'attendre avec Priscilla, mais cette fois ci, je vais devoir retrousser mes manches. Priscilla n'a aucune notion, aucune représentation de ce qu'est son territoire. Du moins, tout est bien enfoui. Cette notion vitale lui est totalement étrangère, et je vais devoir la guider pas à pas telle une aveugle. Cela tombe bien, nous sommes au téléphone et je me laisse porter par sa voix. Ses mots deviennent des sons, puis des images que je vais lui renvoyer...Le visuel sera fort pendant cette séance. la suggestion omniprésente.
- Un truc de fou m'est arrivé cette semaine, et j'ai l'impression de revivre à nouveau un vrai cauchemar!
- Tu veux bien me raconter?
- Oui, pour faire court, une personne que je connais très peu me harcèle à coup de messages sur mon portable, et a fini par me dire qu'elle se suiciderait si je refusais d'être son amie. J'ai l'impression que tout recommence...Je suis tétanisée de peur!
- Tout recommence? Tu fais allusion aux tentatives de suicide de ta mère lorsque tu étais petite?
- Oui, je n'ai vécu que dans la peur de la perdre, je ne connaissais pas autre chose.
- (Priscilla est complètement paniquée et saute à pieds joints dans son passé)
Comment va ta mère aujourd'hui?
- Elle va bien c'est pas le problème, j'ai juste l'impression de revivre la même chose!
- Oui mais ta mère aujourd'hui va bien, tu es en train de te faire le coup du mille feuilles!
- Comment ça?
- Tu connais l'expression s'en remettre une couche?
- Oui mais c'est difficile d'entendre ça à nouveau...
- Oui, ça je te l'accorde et j'entends bien combien tu as peur, mais si tu veux te vautrer dedans vas-y, reprends rendez-vous avec le passé...(Je la provoque volontairement)
- Non je ne veux pas. (Sa voix retrouve son calme)
- Ok, tu veux bien revenir à aujourd'hui et seulement à aujourd'hui?
- Oui
- Alors revenons à cette personne. Tu es tombée dans son piège?
- Je ne comprend pas...
- Tu t'es fait avoir, tu es rentrée dans son jeu. Tu t'es fait piéger?
- Non, ça ne me parle pas du tout...
- Ok...Es-tu d'accord que cette personne se vit en victime auprès de toi?
- Oui
- Es-tu d'accord que lorsqu'elle te menace parce que tu ne veux pas être son amie, elle t'agresse?
- Oui, ça je comprends
- Quand elle t'agresse, de victime, elle devient ton agresseur et toi tu deviens sa victime?
- Oui
- Ne serais-tu pas tombée dans son piège?
- Non, ça je ne comprends pas.
- ...
- ...
- La notion de territoire, ça te parle?
- Non, j'ai aucune notion de territoire.
- Pourrais-tu visualiser un animal qui défendrait son territoire?
- Ah oui! Mon chat Twinny, quand il mange, je ne peux pas l'approcher.
- D'accord, et maintenant est-ce que tu pourrais visualiser un animal plus sauvage pris au piège par un chasseur?
- Une souris!
- Rire! Tu n'aurais pas plus sauvage dans ta boite à souvenirs?
- Non, je ne vois pas...
- Un gorille... un ours... un renard...?
- Oui un renard.
- Imagine que ce renard est tombé dans un piège tendu par des chasseurs...Un trou recouvert par des branchages. Il tombe dedans.
- Je n'aime pas trop l'idée de ce trou.
- Tu préfères qu'il se fasse coincer la patte?
- Heu oui, je crois
- Il pourrait tenter de se la dévorer comme ultime solution de s'en sortir?
- Va pour le trou...
- D'après toi, que peux bien ressentir le renard?
- Il est coincé, tétanisé par la peur.
- Oui, agressé et pris au piège par les chasseurs. Il se sent impuissant et désespéré...Et puis dans un ultime sursaut de survie, il va vouloir s'en sortir à tout prix. Et là, surprise, il aperçoit le long de ce ravin de terre une racine et s'y accroche. Il grimpe et aperçoit une autre racine et encore une autre, jusqu'à se hisser sur le terre plein. Il a sauvé sa peau et s'est libéré des griffes de ses agresseurs, les chasseurs.
- Oui, j'imagine bien la scène.
- Et peux-tu imaginer qu'à chaque fois que tu replonges dans tes peurs, tu tombes à nouveau dans ce trou?
- Oui et ça fait très mal!
- Ok. Tu es donc à nouveau dans le trou. Tu décides dans un ultime sursaut de survie de lâcher ta mère et son histoire....D'après toi, tu le remontes de combien ce ravin?
- Oh! sans problème à 80 % !
- Super! Te reste les 20 %... Tu fais comment pour te libérer des griffes de ce soi disant ami qui te menace?
- Je ne lui réponds plus, je ne me justifie plus, je cours! Je prends mes jambes à mon cou!
- Non mais tu sais que tu es géniale?
- Oui, sur ce coup là, je suis contente de moi!
- Bon et maintenant, est-ce que c'est plus clair pour toi la notion de ton territoire?
- Je n'arrive toujours pas à me le représenter. C'est clair pour le renard, beaucoup moins pour moi.
- Et si je te disais que ton territoire, c'est comme une bulle d'oxygène, est-ce que ça te parle?
- Ah oui! complètement! ca y est je vois bien ce que c'est maintenant mon territoire.
- Raconte-moi, elle est comment cette bulle?
- Elle est ovale, transparente...Et je suis bien dedans, je respire. Ca veut dire que j'ai le droit de dire non sans me justifier.
- Mieux que ça encore, dire non pour te protéger est de l'ordre de ta légitimité...
- Ah! c'est trop génial!
- Alléluia..