Aujourd'hui, jeudi 5 novembre 2015, première journée dédiée au harcèlement à l'école, un événement mis en place par la ministre Najat Vallaud-Belkacem; je ne suis pas trop fan de ces journées dédiées à une cause, mais si cela peut sensibiliser tous les acteurs impliqués et piégés dans cette dérive sociétale qu'est devenu le harcèlement, alors j'y vais de ma plume également pour témoigner et apporter je l'espère, un certain éclairage. En effet, et je le constate quotidiennement en consultation à mon cabinet, le phénomène enfle, amplifié sournoisement par les réseaux sociaux. Les demandes de parents démunis, ainsi que d'élèves harcelés, esseulés et traumatisés augmentent dangereusement; et cela dans le meilleur des cas, c'est à dire lorsque les enfants harcelés parlent, car il y a ceux qui se taisent, trop honteux pour se confier, ou trop menacés par leur harceleur pour les dénoncer.
Ce fait est-il nouveau? Non. Les enfants et adolescents sont-ils plus méchants qu'avant? Non. Mais ne nous cachons pas la face, les enfants peuvent être féroces dés qu'il s'agit de défendre leur territoire; c'est le difficile apprentissage de la loi de la jungle, du dominant-dominé; seul le plus fort ou le plus malin survit et prend sa place au dépens du plus faible. Alors me direz-vous, qu'est-ce qui a changé?
Plus que le fond, c'est la forme bien plus "élaborée", ainsi qu'une généralisation du processus, qui intensifient les effets dévastateurs du harcèlement, tout en le banalisant. De plus, le cyberharcèlement a vu le jour, amplifiant la souffrance psychologique en dehors des murs de l'école, et privant les enfants et les adolescents harcelés, d'un pseudo retour à la normale, une fois rentrés chez eux. Mon propos n'est pas de dénoncer internet, mais les faits sont que les canaux numériques accélèrent et facilitent les effets de toute psychologie de groupe, en alimentant les rumeurs, le dénigrement et les insultes, sous le couvert d'un écran et d'un certain anonymat. Ce sont, et je dis bien entre autres, les dommages collatéraux de cette merveilleuse "toile" qui présentent comme toute chose, les deux facettes diamétralement opposées de l'ombre et de la lumière. Reste à savoir quelle face on choisit de regarder, et il en est de la responsabilité de l'école, des éducateurs et professeurs, des parents, et de chaque enfant de choisir son clan. Cet apprentissage, car il s'agit bien d'un apprentissage (je parle principalement d'autonomiser et responsabiliser les enfants), me semble bien faire défaut, au profit des interdictions, punitions, jugements moralisateurs du bien et du mal.
Bref, cela n'engage que moi, et revenons au coeur du problème: le harceleur et le harcelé dans la cour de l'école. (En grammaire le masculin l'emporte, mais notons que le féminin est bien présent dans les deux cas de figure.)
Je vais sans doute enfoncer un clou, un énorme clou, mais j'entendais ce matin une présentatrice à la télévision, lors d'une émission consacrée au harcèlement, parler des "victimes" tout au long de son émission. Oui les enfants harcelés sont victimes de harcèlement et de souffrance, bien évidemment, mais de là à les désigner, à les identifier, et les étiqueter sous l'unique registre de victimes, me paraît bien être la solution qui aggrave le problème! Les harcelés sont choisis, non pas au hasard, mais parce qu'ils sont différents et, ou, vulnérables. On peut être roux, petit, gros, timides, avoir un zozotement, et surtout manquer de confiance et devenir une cible de premier choix. Rappelez-vous la loi de la jungle, vieille comme le monde, qui désigne les proies faciles aux prédateurs, rien que par leur odeur: celle de la peur.
Alors plutôt que de plaindre encore davantage ces enfants, et de les rendre par ce fait encore plus vulnérables, apprenons leur à se défendre, apprenons leur à avoir confiance en eux, apprenons leur à exister avec leur différence en la sublimant dés leur plus jeune âge.
Avant de continuer plus en avant, j'aimerai citer Emmanuelle Piquet et son livre tout simplement génial : Te laisse pas faire! que je conseille à tous les enfants, ado, parents, profs et directeurs d'établissements. Emmanuelle Piquet a créé un protocole contre le harcèlement, issu du modèle de la thérapie brève, systémique et stratégique et qui devrait être remboursé par la sécurité sociale.
Je l'ai modélisé avec un grand plaisir et j'obtiens des résultats stupéfiants dans la résolution du harcèlement. De quoi s'agit-il?
1) D'éviter que ce soit les adultes qui interviennent à la place de l'enfant harcelé, sous peine de donner raison au harceleur et de délivrer un message implicite qui va toujours dans son sens:" Il est vulnérable, il n'est pas capable de se défendre tout seul, c'est une cible idéale, continuons! " Le remède est alors pire que le mal, et les sanctions à l'encontre du harceleur ne font qu'alimenter sa volonté de se venger.
2) De permettre à l'enfant ou l'adolescent harcelé de se défendre stratégiquement et efficacement, en décochant" une flèche de résistance" à la face du harceleur. Il ne s'agit pas de rendre coups pour coups, mais bien plus subtilement, de renvoyer le venin à son destinataire, exactement comme dans les arts martiaux, où l'on utilise la force de l'attaquant, pour lui retourner tel un boomerang.
Cet apprentissage se fait au travers de jeux de rôles lors des séances, et dédramatise le rôle de la victime. Que cherche le harceleur?
De prendre le pouvoir sur le harcelé et selon son âge, de provoquer soit des larmes (il a gagné), soit de la colère et de l'impuissance (il a gagné) soit de l'évitement en se cachant (il a gagné) soit en réclamant l'aide des adultes (il a encore gagné).
- Le premier grand changement va résider dans le fait que le harcelé va partir à la recherche de son harceleur (au lieu de se cacher et d'être poursuivi), pour lui décocher sa flèche apprise lors de la séance de thérapie. Une différence qui déjà, va changer tout le rapport harceleur-harcelé, car les règles du jeu ont changé! Qui court après qui?
- Le deuxième changement est de regarder en face son harceleur (la peur est travaillée en séance également) et de le remercier: "je te remercie de me dire tout ça parce que si tu savais comme j'aime ça quand tu me parles comme ça, ou si tu savais comme j'apprends tellement de toi...."
- Le troisième changement est de lui retourner sa flèche par quelques paroles bien pesées et stratégiques.
Pour exemple, voici le cas de cette jeune fillle,Tiphaine, un peu enrobée qui se fait traiter par une harceleuse de sa classe de "grosse vache, et de sale pute qui a une sale gueule" à longueur de journée, j'en passe et des meilleures....(les Bisounours sont une espèce en voie de disparition)
Voici sa flèche: Après avoir cherché sa harceleuse dés qu'elle arrive au lycée, elle lui dit: "wouah, machine, je te remercie de me traiter de grosse vache, tu as raison, je suis grosse, mais je peux faire un régime, moi....Toi, par contre ta connerie, elle est à l'intérieur, et c'est pour ça que ça pue tout le temps quand tu parles!....Beurk...Suis pas sûre que la connerie ça se soigne! "
Croyez-moi, ça calme les plus enragés et ça rebooste la confiance et l'estime de l'enfant harcelé.
Il est indispensable également d'accompagner les parents, afin qu'ils apprennent à leur enfant à puiser dans ses propres ressources, car il est bien plus fort et résistant qu'il ne paraît; cela nécessite qu'ils cessent d'intervenir à sa place tout en lui inculquant des stratagèmes de défense, qui dédramatiseront la situation en coupant très vite l'escalade relationnelle qui sévit entre pouvoir et vulnérabilité.
Un grand merci à Emmanuelle Piquet.
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