Marché du dimanche et madeleine de Proust
Ah!
le marché! Que j'aime cette ambiance gourmande et incontournable de mes
week-ends et de mes vacances. C'est une bouffée d'oxygène où tous mes
sens sont en éveil, délicieusement stimulés au rythme de ma flânerie très ciblée, dans les allées hautes en couleur et en spectacle ambulant. En ce dimanche d'octobre, les saveurs automnales n'ont rien à envier à celles de l'été passé. D'ailleurs, rien que
d'écrire le nez collé à cette photo de mes victuailles, j'en ai à nouveau l'eau à
la bouche! Permettez-moi donc aujourd'hui d'écrire en couleur figue.
Aussi loin que je m'en souvienne, manger de bons produits naturels de la ferme, du terroir ou du jardin, m'a été inculqué par mes parents. Mon père et ma mère étaient d'excellents cuisiniers et les bonnes tables étaient légion chez nous. Nous étions six à la maison et avons vécu une bonne période à la campagne, en Bourgogne, pour ne pas citer cette belle région. Les légumes provenaient de la récolte du jardin de mes parents qui, il faut bien l'avouer, n'a pas toujours fait notre bonheur adolescent. Les cueillettes et les longues séances d'épluchage nous arrachaient souvent à notre envie d'aller rejoindre copains et copines à la terrasse de notre café "l'Europe". Les anecdotes se bousculent au portillon de ma mémoire...Etant la "petite" dernière d'une fratrie de quatre, je ne participais pas aux réjouissances de l'épluchage des blettes, qui elles, finirent dans les toilettes, au bon soin de mon frère et de mes soeurs. L'épilogue qui me fait encore rire aujourd'hui, fut les toilettes bouchées et ma mère découvrant feuille après feuille, côte après côte, le subterfuge de ses enfants chéris...
Je me souviens de notre sous-sol qui faisait office de garde manger. Des étagères remplies des confitures de ma mère et de toutes ses conserves faites maison, les jambons suspendus à sécher, les terrines confectionnées par mon père et les deux congélateurs remplis ras la gueule d'une cuisse de boeuf, d'un demi-agneau et du cochon de la ferme voisine. Pardon pour les végétariens et les défenseurs de nos amis les bêtes qui me haïront sans aucun doute. Qu'ils se rassurent, je ne les hais point!
Je me rappelle des parties de pêche et des curieux poissons chats, des écrevisses, des escargots de Bourgogne et des cerises bien noires, la "Burlat" qu'on allait cueillir chez les récoltants, moyennant quoi, on en avalait tout notre soûl, bravant l'indigestion gourmande qui ne se faisait pas attendre. Et puis il y avait les visites interminables à cette époque, pour l'enfant que j'étais, des caves et des dégustations des vins sur le chemin du retour de nos ballades et de nos vacances. Chinon, Beaujolais, Bourgogne, sans oublier la fameuse route des vins D'Alsace et tant d'autres encore.
Alors voilà, je suis tombée dedans toute petite, et mon frère s'en souvient, lui qui est devenu le chef étoilé, passionné et talentueux, dont rêvait mon père.
Faire mon marché est pour moi un mode de vie. C'est m'imprégner de cette ambiance propre à ce lieu de vie riche comme un ventre d'émotions, et c'est pour moi un grand bonheur qui ennivre tous mes sens et me fait remonter le parfum disparu de mes parents...