Deuxième histoire: Quand Priscilla veut ressembler à son chat
Je décroche mon téléphone, je compose son numéro: c'est l'heure de notre coaching.
J'aime à l'avance ce qui va se passer. Je sais que tout va m'échapper et paradoxalement, c'est ça qui me plaît. Avec elle je cultive mon sixième sens. Ca dépote avec Priscilla!
Elle aime à me dire: " C'est super ton boulot, et c'est pas fatiguant! Toi, tu me coaches 1 heure, et moi je dors 12 h pour récupérer...Tu parles d'une vie! "
Elle a toujours des anecdotes croustillantes, et j'avoue que nous avons toutes les deux un goût immodéré de la dérision. Rire d'elle même la fait tenir...
" Mon oncle, il est drôle de me dire que je fais pas Kippour, que je fais pas de prière ni de bilan...Mais tonton, moi, le bilan de ma vie c'est tous les jours que je le fais! "
Quand Priscilla veut ressembler à son chat
Nos premières séances ont beaucoup tourné autour de son envie de vivre par elle-même et de cette croyance sur le pardon. Je sais que j'aurai à travailler avec elle en transgénérationnel sur son clan, mais il est encore trop tôt.
A plusieurs reprises, Priscilla va revenir sur cette image qu'elle a d'elle même:
- Véritablement, je ne suis pas quelqu'un de bien.
- Qu'est-ce qui te fait dire ça?
- L'appartenance juive, cette identité juive.
- Elle te dit quoi cette identité?
- On est mauvais, il y a quelque chose en nous qui cloche...
- C'est qui On ?
- C'est moi principalement. (il
n'y a aucune émotion dans sa voix - Je sais que Priscilla me parle avec
sa tête, celle qui connaît bien cette histoire - Celle qui contrôle
tout, qui prend le pouvoir)
- Et qu'est-ce que tu veux à la place?
- Etre quelqu'un de bien, apprendre à m'aimer.
- Et qu'est-ce que ça va t'apporter de bon pour toi?
- Je me sentirais ok avec moi-même.
- C'est quoi être ok avec toi-même?
- C'est avoir le droit d'exister, avoir le droit d'aimer, d'être aimée.
- Et comment tu le sauras que tu es ok?
- Je me sentirais plus légère et je pourrais enfin être heureuse.
- Est-ce que tu peux fermer les yeux?
- Oui
- Prends ton temps, visualise ta nouvelle vie, celle où tu es heureuse, dis-moi ce qui se passe dans ton corps là maintenant?
- Mes épaules tombent et j'arrive à une vraie respiration. Y'a quelque chose qui lâche là dans ma poitrine. ( je l'entends sourire) Je voudrais être comme mon chat qui ronronne à mes pieds...
- D'après toi, ton chat est heureux?
- Je dirais bienheureux, serein. ( sa voix me dit qu'elle est émue, sa tête la quitte peu à peu)
- Regarde-le ...
- Oui, je le regarde et je l'envie d'être aussi apaisé.
- Est-ce que tu veux bien te caler à sa respiration?
- En fait, je l'ai fait sans réfléchir...Ca m'apaise. (long soupir)
- Silence ( je laisse Priscilla profiter pleinement de ce moment)
- Silence ( Priscilla garde aussi le silence, en fait elle baille à se décrocher la mâchoire)
- Comment te sens-tu?
- Je me sens bien, plus légère....Je n'ai plus ce poids sur mes épaules et je me sens émue par mon chat
- Est-ce que ça pourrait être ça : être heureuse?
- Heureuse, non. Mais ressentir de la paix, oui. Apprendre à m'abandonner comme mon chat, ça me plairait bien.
- Comment pourrais-tu faire pour demander à ton chat de t'apprendre?
- Je pourrais l'entourer et poser ma tête sur lui, m'abandonner comme lui.
- Est-ce que tu serais prête à le faire aussi souvent que tu en éprouves le besoin?
- Oui, et surtout le soir pour m'endormir.
- Tu ne vas pas te mettre à ronronner tout de même? ;)
- Oh si ! J'aimerais bien....
- Au fait, comment s'appelle ton chat?
- Twinny, il s'appelle Twinny...
Une histoire de jumeau
L'évocation de Twinny n'est pas anodine, loin s'en faut. Dés que Priscilla se reconnecte à ses émotions, c'est toute la montagne qui bouge....Et là elle parle avec son coeur. Elle me dit qu'elle est issue d'une conception gémellaire, mais la seule à avoir vu le jour. (Moi aussi, et je mesure encore combien notre lien s'incarne dans cette caisse de résonance qu'est la nôtre.)
Elle est émue dés qu'elle évoque son chat et me raconte son histoire qui colle à la sienne.
C'est sa soeur qui lui a offert ce petit chat lorsqu'elle était immobilisée dans son lit de rescapée. Twinny a été battu, maltraité dans une caisse durant de longs mois, il est sauvage et craintif lorsque Priscilla le reçoit dans ses bras.
Mais surtout, Twinny a été séparé de sa soeur jumelle et la cherche un peu partout...
Le syndrome du jumeau perdu se résume un peu à cela: un seul être vous manque et tout est dépeuplé.
Ce petit chat a été cajolé, rassuré et dorloté par sa maîtresse, et c'est vers lui que s'est penché tout naturellement Priscilla, pour retrouver l'apaisement.
Il est temps pour moi de quitter les lieux, de raccrocher le téléphone et de laisser ces deux là à la complétude retrouvée.
Le syndrome du jumeau perdu
Alfred R. et Bettina Austermann
éditions le souffle d'or.